L’érosion de l’information

J’avais mal aux pieds. J’avais de la difficulté à marcher, à avancer. Je me rappellerai longtemps de ma première baignade dans la Méditerranée. Pendant mes vacances cet été, j’avais l’air d’un vieillard en marchant sur les galets de la plage à Nice!

La douleur sous les pieds, c’était un avant-goût de ce qui m’attendait. Cette journée-là, les vagues étaient particulièrement fortes. Après quelques minutes à lutter dans l’eau sur les galets, une gigantesque vague m’a subitement emportée. J’ai culbuté dans un mouvement de 360 degrés sous l’eau. La force de la vague était indescriptible. Pour l’une des rares fois de ma vie, j’ai eu peur de me noyer. Je suis sorti la tête hors de l’eau en panique. Les vagues étaient si fortes que j’avais l’impression qu’elles érodaient la plage de galets avec la force du courant.

L’érosion, c’est l’image qui me vient en tête lorsqu’une entreprise ou une organisation se sent soudainement prise au piège. Et c’est ce qui se passe avec les médias au Québec : nous assistons, à chaque fermeture de salle de nouvelles et de licenciements, à une érosion de l’information.

Le 11 août dernier, l’annonce de la fermeture des journaux de Métro Média a créé une onde de choc dans le monde des médias au Québec. Métro Média, qui regroupait le journal Métro à Montréal et 16 hebdos régionaux dont plusieurs à Québec, a mis fin abruptement à ses activités avec des dizaines de pertes d’emplois. Cette nouvelle nous rappelle que les médias sont condamnés à revoir leurs modèles d’affaires pour garder leur auditoire captif. Les entreprises médiatiques sont impactées par les bouleversements numériques, et surtout, par les changements de comportement de leurs lecteurs qui consomment de moins en moins les nouvelles « à la source ».

Mais quelles sont les leçons à retenir pour les dirigeants qui collaborent avec les médias pour faire connaître leur organisation ou pour défendre leurs enjeux sur la place publique? Qu’est-ce que ce contexte médiatique change pour vos communications? Voici quelques pistes de réflexion :

1) Miser sur des sorties publiques ciblées avec des médias d’impact

Soyons clairs : les médias ne disparaîtront pas demain matin. Le public continue de consommer l’information : ce sont ses habitudes qui ont changé. La fermeture d’un média ne signifie pas que des lecteurs et spectateurs ne s’intéressent plus à l’actualité. Plusieurs médias québécois ont encore un impact déterminant en dictant l’actualité. Par exemple, le Journal de Montréal et le Journal de Québec rejoignent ensemble, plate-forme web incluse, plus de 3,5 millions de lecteurs chaque semaine.

Votre entreprise ou votre organisation doit adapter son approche comme un caméléon et être plus stratégique dans la préparation de vos sorties publiques. En ciblant un média d’impact pour informer vos publics cibles, vous pouvez bien passer vos messages et bien faire connaître vos enjeux publiquement. Le véhicule choisi doit avoir un impact, sinon vous gaspillez votre temps.

Des sorties médiatiques ciblées, au bon timing et avec les bons messages, continueront de générer de la visibilité et d’attirer l’attention. Comme groupe de pression, les médias sont indispensables pour passer vos messages auprès du gouvernement et pour influencer les élus. Vous en doutez? Écoutez les émissions d’affaires publiques à la radio et suivez les commentateurs politiques à la télévision…

2) Diversifier vos outils de communication

Les communications stratégiques en 2023, c’est comme un fonds FNB diversifié à la bourse. Diversifiez vos outils et vos stratégies. Vous ne pouvez pas mettre tous vos œufs dans le même panier. Vous devez déployer un arsenal avec différentes tactiques et outils distincts. Je le répète toujours : les médias ne répèteront pas votre nouvelle toutes les deux semaines parce que vous le voulez et d’autres gestes de communication seront nécessaires.

Par exemple, vous devez réfléchir aux bonnes stratégies numériques pour rejoindre vos publics cibles directement dans leur téléphone intelligent. Certains misent exclusivement sur Instagram ou Tik Tok pour mettre en valeur leurs produits ou leurs services. D’autres font appel à des micro-influenceurs réputés. Où allez-vous concentrer vos efforts?

Êtes-vous en mesure de maintenir une présence soutenue sur les réseaux sociaux? Et surtout, quels sont vos messages et quelle est l’image projetée? Important : on ne doit pas sentir un « décalage » entre l’organisation présente dans les médias et celle qui parle à ses abonnés sur Facebook… Le message doit être le même, seul le canal de communication change.

3) Réunissez vos conseillers dans la même pièce

Lors d’une gestion de crise efficace, tout dirigeant doit être en mesure de regrouper ses plus proches conseillers dans la même pièce, dont son avocat et son conseiller en communication. Comme stratège, je dois connaître les risques et les écueils juridiques pour bien conseiller mes clients sur les gestes de communication à poser, même si les avocats ne doivent pas paralyser non plus la réponse à communiquer.

C’est la même chose pour vos communications numériques. Pourquoi ne pas réunir votre conseiller en relations publiques, votre stratège numérique et votre gestionnaire de communauté dans la même pièce? La force d’un accompagnement efficace, c’est aussi de réunir les différents champs d’expertise et d’identifier les limites de chacun.

Il y a quelques années, l’un de mes clients m’avait convié à une rencontre de stratégie avec son équipe de marketing numérique. Le fait d’être réuni autour de la même table illustrait à quel point les relations publiques doivent collaborer avec le numérique. En deux heures, nous nous étions mis d’accord sur un plan de match pour le client, sans que les initiatives numériques nuisent aux relations publiques, et vice versa.

En terminant, dans vos efforts de visibilité, de crédibilité et de notoriété, assurez-vous d’être bien accompagné pour poser les bons gestes de communication et surtout au bon moment. Peu importe les outils de communication mis de l’avant, n’oubliez pas que votre focus devrait toujours être le même : bien communiquer et bien rejoindre vos publics cibles.

 

David Couturier