Gestion de crise médiatique : identifiez les angles morts pour mieux réagir
La question n’est pas de savoir si une crise va vous frapper, mais plutôt quand elle frappera.
Ce mantra pour la gestion de crise est fréquemment utilisé comme une parole d’Évangile pour rappeler l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de n’importe quelle organisation. Aucune organisation n’est à l’abri d’une crise et d’avoir à défendre un jour ou l’autre sa réputation sur la place publique.
Avec le déconfinement en vigueur et le début de l’été, des entreprises et des organisations ne sont pas à l’abri d’une gestion de crise médiatique à gérer sur la place publique au cours des prochaines semaines. Des enjeux qui passaient sous le radar pendant la pandémie susciteront soudainement l’intérêt des médias, je vous le prédis.
Loin de moi l’idée de jouer aux prophètes de malheur, mais j’ai remarqué au fil des années, autant comme journaliste, attaché de presse en politique ou stratège en communication, que l’été peut devenir une source d’inquiétude pour n’importe quel haut dirigeant. C’est une saison propice aux crises.
Pourquoi? Parce que les médias doivent « fabriquer » la nouvelle pendant la période estivale. Parce que de jeunes journalistes tout droit sortis de l’école veulent faire leurs preuves. Parce que l’absence de nouvelles dans l’actualité amplifie toute gestion de crise qui éclate au grand jour.
Voici l’image qui me vient en tête. L’impact de l’été dans une gestion de crise médiatique, c’est comme utiliser un sapin de Noël sec pour s’allumer un feu de camp en camping. L’effet sera soudain, foudroyant et potentiellement dévastateur.
Pour tout haut dirigeant, voici 4 angles morts à retenir en prévision d’une crise médiatique :
1) N’importe quel journaliste peut vous plonger en crise médiatique
La journaliste à l’autre bout du fil n’a pas besoin de s’appeler Marie-Maude Denis et de travailler pour l’émission Enquête. Même si un ou une journaliste qui vous contacte travaille dans un média régional, vous n’êtes pas à l’abri d’un dérapage et d’un enjeu à gérer sur la place publique.
Un rappel élémentaire : les patrons des stations régionales parlent à leurs collègues de la station mère de Montréal. Les chaînes d’information ont besoin de contenu en tout temps. Croire que le sujet « restera local », c’est se mettre la tête dans le sable… Récemment, les Serres Demers ont été plongé en pleine gestion de crise avec le reportage d’une journaliste d’une station régionale de Radio-Canada à Sherbrooke.
Même en région, une histoire dite locale peut se transformer en téléroman national. La nouvelle se propage dans les médias nationaux comme une trainée de poudre. Et n’oubliez pas le référencement sur Google qui affectera l’image de votre organisation, que vous soyez basé à Rimouski, La Tuque ou Rouyn-Noranda. Les « frontières » régionales n’existent plus!
2) Une crise n’est jamais uniquement de nature médiatique : plusieurs parties prenantes sont impliquées
Votre organisation, que vous soyez à la barre d’une PME, d’un syndicat ou d’une association, est en contact avec plusieurs parties prenantes. Lors d’une gestion de crise, vous devez communiquer avec l’ensemble de vos publics cibles et adapter vos communications en conséquence. Soyons clair : il n’est pas question de tenir des discours différents. L’histoire à raconter est la même, seulement vous devez la raconter d’une toute autre façon.
Parmi vos parties prenantes, il est fort possible que vous soyez dans l’obligation de communiquer avec le gouvernement du Québec, dépendamment de la nature de la crise. Par exemple, si votre PME bénéficie d’une subvention d’Investissement Québec et/ou du Ministère de l’Économie et de l’Innovation, vous devrez dans les premières heures de la crise communiquer avec le gouvernement pour l’informer de la situation et le rassurer sur le plan de match que vous adopterez. Dans ce cas-ci par exemple, un journaliste moindrement allumé demandera aux élus si votre subvention gouvernementale sera retirée… Vous ne voulez pas apprendre dans un article du Journal de Québec que le cabinet « a l’intention de suspendre la subvention gouvernementale en vigueur ».
Retenez ceci : la présence d’une multitude de parties prenantes vous force à adopter une approche caméléon et à adapter vos communications. Adaptez votre discours selon votre public cible à qui vous vous adressez. Soyons clair : on ne parle pas à un ministre comme on parle à ses bailleurs de fonds. On ne parle pas à un journaliste comme on parle à ses employés. Le dénominateur commun : toutes les parties prenantes doivent être informées, avoir l’heure juste, recevoir un état de situation clair et connaître les gestes que vous poserez pour remédier à la situation qui a plongé votre organisation en crise médiatique.
Une gestion de crise n’est jamais exclusivement médiatique. Oui, lors d’une gestion de crise, les médias seront plus insistants et chercheront à provoquer des faux pas. Ils vous mettront de la pression pour vous faire réagir encore plus vite, insisteront pour obtenir plus d’informations et des précisions, exigerons une entrevue avec la haute direction « par souci de transparence » et « parce que la population a le droit de savoir ». C’est leur job et c’est de bonne guerre. Face à cette pression, vous devrez comme haut dirigeant garder la tête froide et prioriser des parties prenantes dans votre dossier. Vous devez agir à votre rythme et ne pas précipiter les choses, même si RDI appelle aux demi-heures…
3) Reconnaître ses torts et s’excuser
Soyons clair : il est normal de ne pas envoyer devant les kodaks le président au premier appel d’un journaliste. Mais lorsqu’il est question de conditions de vie humaine des travailleurs, un haut dirigeant ne devrait jamais se « cacher » délibérément derrière un porte-parole média.
Par exemple, si un accident majeur met en danger la santé et la sécurité de vos employés, le haut dirigeant devrait dès le jour même accepter de parler aux médias. C’est une question de leadership et de transparence. Et j’insiste : peu importe la taille de votre entreprise.
Selon la situation à laquelle vous faites face et si votre organisation est en faute, votre gestion de la crise implique que vous devrez reconnaître vos torts et vous excuser. Vos excuses se doivent évidemment d’être sincères.
Je ne suis pas avocat. Je comprends que des excuses publiques peuvent avoir une portée significative sur le plan juridique. Il est donc important de valider les conséquences légales d’éventuelles excuses publiques avec votre avocat. Cela dit, gardez en tête qu’il est d’abord et avant tout question de la réputation de votre entreprise. Et du gros bon sens. S’il y a matière à s’excuser, faites-le.
Au-delà du tourbillon médiatique et de la pression populaire pendant une crise, n’importe quel haut dirigeant doit garder la tête droite, reconnecter sur ses valeurs personnelles et faire preuve de sensibilité face à l’enjeu qui ébranle l’image de son organisation. Et si ça signifie qu’il faut reconnaître ses torts, n’hésitez pas à faire acte de contrition. L’expérience démontre qu’il s’agit d’une stratégie de communication payante.
4) Au-delà des paroles, posez des gestes concrets
Il ne suffit pas de se mettre le genou à terre et de s’excuser. En gestion de crise, vous serez aussi jugé sur les gestes que vous poserez pour rassurer et pour regagner la confiance de vos parties prenantes.
Reconnaître ses torts ne sera jamais suffisant: vous devrez poser des gestes concrets pour regagner la confiance des parties prenantes impliquées. La parole, c’est une chose. L’action, ça en est une autre. Quels gestes poserez-vous pour rassurer vos employés, vos clients, vos partenaires, vos bailleurs de fonds et les élus face à la crise que vous traversez?
Avec les années, j’ai été à même de constater que chaque organisation possède son propre ADN. Chacune possède sa propre culture de gestion. Les syndicats ne réagissent pas tous de la même façon pour défendre leurs membres auprès des médias. Même chose pour les chefs d’entreprise qui doivent défendre des décisions sur la place publique. J’ai vu des entrepreneurs très proactifs (parfois trop) à apparaître devant les médias comme de véritables kid kodaks alors que j’en ai vu d’autres tenter de tout faire pour éviter de s’approcher d’une lentille de caméra. Très souvent, la manière dont la crise sera gérée commence avec la personnalité du plus haut dirigeant et la culture de l’organisation. Ce qui signifie que vous pourriez être votre pire ennemi lors d’une crise.
Peu importe votre « style de gestion », gardez en tête que chaque crise est un test de leadership pour n’importe quel haut dirigeant. Vous serez jugés sur l’attitude que vous adopterez et les gestes que vous poserez.
Anticiper la crise
En terminant, dans ce contexte où il peut être difficile de prendre du recul sur les événements, n’hésitez pas à vous faire accompagner par des professionnels qui identifieront avec vous les angles morts et les parties prenantes à prioriser pour vos communications stratégiques.
Par exemple, avez-vous identifié les scénarios de gestion de crise médiatique auxquels votre entreprise pourrait faire face? Êtes-vous prêts à réagir à toute éventualité avec les médias? Votre porte-parole est-il habilité à gérer les médias en cas de crise? Quelle est la place de vos communications publiques dans vos plans de contingence?
La crise la mieux gérée est d’abord préparée et anticipée. Et pour bien se préparer, il est souvent important d’être bien accompagné. Comme hauts dirigeants, soyez bien entouré en prévision d’une crise que vous ne souhaitez pas traverser.
David Couturier
Note : L’usage du masculin a pour unique but d’alléger le texte.