La riposte de Pascale Nadeau : l’impact d’une lettre ouverte pour passer votre message

Un nouveau téléroman est à suivre au Québec : une ex-cheffe d’antenne vedette de la télévision et aimée du grand public est poussée vers la sortie puis contre-attaque son ancien employeur sur la place publique. Non, ce n’est pas une nouvelle série addictive, mais bien la chicane publique qui oppose depuis une semaine Pascale Nadeau à ses anciens patrons de Radio-Canada.

Plus tôt en août, Radio-Canada annonçait de façon nébuleuse que Pascale Nadeau avait « informé son employeur qu’elle prenait sa retraite ». Le tweet de Pascale Nadeau, quelques heures plus tard, sous-entendait que les parties n’étaient pas en bons termes.


Extrait du compte Twitter de Pascale Nadeau, 5 août 2021

Le 18 août dernier, Pascale Nadeau a publié une lettre ouverte dans La Presse+. Dans ce cri du cœur, un rectificatif coup de poing, Pascale Nadeau s’en est pris directement à ses anciens patrons de Radio-Canada. Une attaque frontale. Le symbole est fort, venant de l’un des visages du diffuseur public. Au hockey, c’est comme si Brandan Gallagher attaquait dans les médias Marc Bergevin qui l’écarterait du camp d’entraînement…


Capture d’écran, La Presse+, 18 août 2021

Dans sa contre-attaque publique, l’ex-cheffe d’antenne allègue qu’elle a été poussée vers la sortie, sans comprendre précisément pourquoi. Sous le joug d’une enquête interne, elle a été écartée des ondes, le temps que la lumière soit faite sur des allégations. Dans sa lettre ouverte, Pascale Nadeau nous raconte que c’est une tierce personne qui a porté plainte contre elle. S’agit-il d’un cas de harcèlement psychologique? Dans sa riposte, Pascale Nadeau affirme qu’elle ne le sait même pas elle-même et que les détails seront dévoilés ultérieurement, tout en reconnaissant qu’elle « a du caractère ».

« Avec cette enquête, Radio-Canada s’est attaquée à mon intégrité. En me sanctionnant de la sorte, sur la base d’une dénonciation anonyme faite au nom d’une tierce personne et sur la base d’une enquête qui ne parvenait à aucune conclusion franche, elle a piétiné ses propres principes d’éthique et de rigueur journalistique qu’elle continue de brandir fièrement comme étendard », martèle Pascale Nadeau dans sa lettre ouverte.

L’enjeu, ce n’est pas le litige, c’est le casting. Pour de nombreux québécois, Pascale Nadeau est une figure respectée du paysage télévisuel, une animatrice reconnue et une journaliste aguerrie qui a traversé plusieurs décennies d’actualité. Fille du journaliste Pierre Nadeau, elle incarne l’héritage journalistique de son père et sa rigueur légendaire.

Attaquée par son ex-cheffe d’antenne, Radio-Canada a été forcée de réagir à la lettre ouverte en niant les allégations et en défendant la rigueur de ses enquêtes internes. L’équipe de Pascale Nadeau s’est ensuite portée à la défense de sa collègue. Et pour y répondre, la direction de Radio-Canada en a rajouté une couche en mentionnant qu’il y avait « plusieurs victimes ». Trois jours plus tard, La Presse décrivait un « climat malsain » sur le plateau du Téléjournal et l’article ne dépeignait pas Pascale Nadeau sous son meilleur jour. Qui dit vrai? Cette chicane publique est devenue une véritable patate chaude pour Radio-Canada, une gestion de crise qui pourrait laisser des traces.

La tactique de communication de Pascale Nadeau

Au-delà de la crise que Radio-Canada doit gérer, Pascale Nadeau a fait la démonstration que la tactique de la lettre ouverte qu’elle a choisi d’employer peut être d’une redoutable efficacité en communication. Naturellement, Pascale Nadeau aurait pu choisir cavalièrement d’accorder une entrevue télé à un concurrent. Elle a plutôt choisi le « véhicule » de la lettre ouverte.

Dans le cas qui nous occupe, le contenu de la lettre a été partagé et mentionné dans des médias d’envergure au Québec. Ce qui était un seul texte diffusé dans un seul média s’est propagé comme une traînée de poudre dans plusieurs médias québécois d’impact : les journaux du Groupe Capitale Médias, dans le Journal de Montréal, le Journal de Québec, Le Devoir, le magazine 7 jours et c’est sans compter toutes les stations de radio comme le 98.5 qui en ont fait mention. Ajoutez à cela les réseaux sociaux avec les pages numériques comme Monde de Stars (qui compte à elle seule 683 000 abonnés) et on peut dire sans se tromper que ce « téléroman » a d’excellentes cotes d’écoute. Avec sa riposte, Pascale Nadeau a voulu rectifier les faits et il faut reconnaître que sa stratégie a été particulièrement efficace.

La lettre ouverte : une tactique efficace pour tout le monde?

La lettre ouverte peut-elle être un outil de communication efficace pour passer votre message? Votre entreprise ou votre organisation peut-elle profiter d’un exposure médiatique significatif avec un effet domino avec la diffusion d’une lettre ouverte dans un média? Évidemment, la notoriété, l’histoire véhiculée et surtout le timing comptent pour beaucoup.

Voici 3 avantages d’utiliser la lettre ouverte dans votre stratégie de communication publique :

1) Vulgariser votre position et marteler vos messages

La lettre ouverte permet de bien vulgariser votre argumentaire et de bien passer votre message. Pour un lecteur, c’est de s’abreuver à la source de votre position et de votre argumentaire, au lieu d’un journaliste qui la résume à votre place. La lettre ouverte est un outil de marketing de contenu, mais avec une portée de diffusion maximale parce qu’un média la diffuse.

Prenons l’exemple d’une organisation qui est invitée à commenter ces jours-ci l’impact de la hausse actuelle de l’inflation au pays. Lorsqu’un journaliste contacte le haut dirigeant de cette organisation pour l’inviter à commenter, à peine une ou deux citations lui sont attribuées dans l’article de presse. Ce texte regroupe différents intervenants qui prennent la parole et le journaliste rapporte différentes positions, très souvent opposées l’une des autres.

La lettre ouverte facilite la synthèse de votre argumentaire, permet de mieux expliquer la position de votre organisation et surtout de marteler vos messages. Dépendamment du rôle que vous occupez dans la nouvelle, la lettre ouverte peut prendre la forme d’un plaidoyer pour votre cause, d’un témoignage ou même d’outil pédagogique pour les lecteurs qui n’avaient jamais entendu parler de votre enjeu. Par exemple, pendant la pandémie, la section « Faites la différence » du Journal de Montréal et du Journal de Québec a donné la parole au public et à différents acteurs pour aborder de front une multitude d’enjeux qui passaient parfois sous le radar.

2) Rectifier les faits

Votre organisation, que vous le vouliez ou non, pourrait être une cible de choix sur la place publique, selon votre champ d’expertise et vos enjeux. La lettre ouverte devient un outil pour remettre les pendules à l’heure et pour rectifier les faits, tout en le faisant avec substance. Il ne suffit pas d’écrire en noir gras dans le texte que « ce n’est pas vrai » et « ces allégations sont mensongères ». Vous devez appuyer vos propos avec des arguments. Vous devez raconter une histoire, votre histoire.

Mise en garde : En choisissant de réagir par l’entremise d’une lettre ouverte, vous ne pourrez jamais plaider avoir été mal cité. La lettre ouverte regroupe l’intégralité de vos propos. En tout temps, il est important de dire la vérité et de ne pas chercher à la maquiller.

En choisissant la tactique d’une lettre ouverte, vous devez contextualiser la situation, déconstruire les arguments de vos opposants et rectifier les faits avec un argumentaire solide. Avec sa lettre ouverte, Pascale Nadeau ne s’est pas contentée de rectifier les faits. Elle a déconstruit l’histoire que son ancien employeur avait raconté aux journalistes, avec l’impact que l’on connaît aujourd’hui.

3) Provoquer le débat (et les partages)

Une lettre ouverte, ça ne sert pas uniquement comme crachoir dans des chicanes publiques. Il s’agit d’un moyen efficace pour capter l’intérêt du public et provoquer le débat sur vos enjeux. En contextualisant un enjeu, la lettre ouverte lève le drapeau rouge sur une situation qui doit être dénoncée et qui doit être sue des médias ainsi que de la population.

Soyons clair : vous voudrez provoquer le débat et attirer l’attention sur votre organisation, par l’entremise de l’enjeu que vous positionnez sur la place publique. Par exemple, une lettre ouverte rédigée par un syndicat du milieu de la santé qui dénoncerait le climat de travail dans les hôpitaux dans le contexte de la quatrième vague de la pandémie servirait à mettre une pression sur les décideurs et à provoquer le débat. Et fouettez les troupes du syndicat, qu’on se le dise.

Avec le contenu numérique, les médias offrent maintenant une mise en marché efficace des lettres ouvertes, maximisant les partages sur Facebook, Twitter et LinkedIn. Finie l’époque du texte qu’il fallait chercher avec une loupe quelque part dans la version papier du journal…

La lettre ouverte : un outil parmi tant d’autres du coffre à outils

En terminant, aussi percutante une lettre ouverte puisse être, il ne s’agit pas toujours du meilleur véhicule à privilégier comme organisation pour passer des messages dans les médias. Parfois, une lettre ouverte met en relief les travers d’une organisation avec un argumentaire mou, flou et/ou peu convaincant. Dans d’autres circonstances, la qualité de la plume du signataire peut torpiller toute tentative d’être diffusée. Votre conseiller en communication, à l’interne ou à l’externe, peut vous aider et mettre sur papier une ébauche pour donner vie à votre argumentaire.

Cela dit, une seule lettre ouverte ne suffit pas pour atteindre vos objectifs de communication. Soyez bien conseillé pour choisir le bon outil dans le coffre à outils des relations publiques. Des sorties médiatiques répétées, soutenues et parfois spontanées sont toujours efficaces à court, moyen et long terme pour garder votre marque vivante ou pour faire vivre vos enjeux sur la place publique.

La clé? Restez alerte pour saisir la prochaine opportunité.

 

 

David Couturier

 

Note : L’usage du masculin a pour unique but d’alléger le texte.